En Afrique, nous réclamons à cor et à cri la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire. Mais qu’en est-il du pouvoir médiatique ? Car oui, l’information est aussi un pouvoir — celui de façonner les perceptions, d’éveiller les consciences ou, au contraire, de les endormir.
Alors, une question simple mais dérangeante : une chaîne de télévision nationale, Gabon24, dont la maison porte le nom du président en exercice, peut-elle être neutre ?
Soyons honnêtes. Dès l’instant où le symbole de l’institution médiatique est confisqué par une figure politique en fonction, la promesse d’objectivité s’effondre. Comment croire à une indépendance éditoriale, quand l’ombre du pouvoir plane jusque sur la façade du bâtiment ? C’est comme exiger d’un juge siégeant dans le salon d’un ministre qu’il rende une décision impartiale.
La presse, dans nos pays, devrait être ce quatrième pouvoir, ce contrepoids indispensable. Mais si elle porte l’empreinte du chef de l’État, elle n’est plus un contrepoids, elle devient un haut-parleur.
Le drame, c’est que cette confusion des genres ne choque plus. Nous sommes habitués à voir les institutions fusionner autour de la personne du président : palais présidentiel, stade présidentiel, université présidentielle… Désormais, même la maison des médias devient présidentielle.
Alors posons-nous la vraie question : voulons-nous bâtir des démocraties solides, ou entretenir des républiques personnalisées où tout rappelle un seul homme ? La neutralité d’une télévision publique ne tient pas qu’aux discours des journalistes, mais à l’indépendance symbolique et structurelle de l’institution.
Un média qui appartient au peuple doit porter le nom du peuple, pas celui du prince.
Car sans liberté médiatique, la séparation des pouvoirs en Afrique restera une chimère.
