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Par BADIROU Le Panafricain
« Ceux qui oublient l’histoire sont condamnés à la revivre. »
— George Santayana
Le vent souffle à nouveau sur les cimes du pouvoir ivoirien, et l’ombre d’un 4e mandat présidentiel plane désormais avec insistance. L’annonce même officielle du président Alassane Ouattara de vouloir briguer un nouveau mandat en 2025 suscite un mélange de stupeur, d’inquiétude, et de déjà-vu, dans un pays encore meurtri par les cicatrices de ses précédentes crises électorales.
Quand la démocratie devient un cercle vicieux
En 2010, Alassane Ouattara symbolisait l’espoir, la rupture avec un passé d’ombres. Quinze ans plus tard, le même homme risque de devenir l’incarnation du pouvoir perpétué, celui qui refuse l’alternance, pourtant socle de toute démocratie solide. Le piège du pouvoir éternel guette, et l’histoire politique africaine en est truffée.
Un quatrième mandat ? Le droit constitutionnel peut être tordu, redéfini, contourné. Mais le droit du peuple à l’alternance, lui, ne peut être effacé. La Côte d’Ivoire mérite mieux qu’un scénario à la Poutine , à la Kagame ou à la Biya .
Une poudrière sociale sous tension
La jeunesse ivoirienne est majoritairement née dans les années 90-2000, avec des souvenirs amers de guerre, d’exil, de divisions ethniques et politiques. Aujourd’hui, cette jeunesse veut rêver, entreprendre, voter librement.
Mais à quoi bon voter, si les règles changent selon les ambitions d’un seul homme ?
Une nouvelle candidature de Ouattara pourrait raviver les fractures politiques profondes, alimenter un climat d’instabilité et entraîner des épisodes de violences, comme en 2020. Ce serait, littéralement, jouer avec le feu.
L’Afrique n’est pas condamnée à l’éternel recommencement
La Côte d’Ivoire est un géant économique en Afrique de l’Ouest. Mais sa crédibilité politique, elle, vacille si elle laisse la tentation monarchique s’installer au sommet de l’État. Et qu’on ne vienne pas brandir l’excuse de la stabilité : il n’y a pas de stabilité durable sans alternance pacifique.
Le président Ouattara a dirigé, construit, stabilisé. Mais il doit maintenant préparer le passage de flambeau. La grandeur d’un homme d’État ne se mesure pas à la durée de son règne, mais à sa capacité à quitter le pouvoir dans l’honneur et la paix.
L’heure du sursaut
Il est temps que l’élite politique ivoirienne toutes tendances confondues ose dire NON à la personnalisation du pouvoir. Il est temps que le peuple ivoirien s’approprie son destin démocratique.
Parce qu’un quatrième mandat, même « légal », serait une trahison morale. Et parce que l’Afrique, plus que jamais, a besoin d’exemples de transmission, pas de transitions forcées dans le sang.
La démocratie ne se mendie pas. Elle s’arrache. Et surtout, elle se défend.
Une nation, un but, une foi.
